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Hypersensibilité : onze millions de Français concernés

L’hypersensibilité, dont c’est la journée nationale, peut être vécue comme une maladie, comme une malédiction ou comme une chance. Voici ce qu’il faut savoir.

Qu’ont en commun Steve Jobs et Marion Cotillard ? Leur hypersensibilité. Selon les estimations, une personne sur cinq dans le monde possède cette singularité de ressentir les émotions de façon plus intense que la moyenne. Mais qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas d’une pathologie, même si certains médecins ont vite fait de ranger les hypersensibles contrariés, c’est-à-dire ceux qui s’évertuent à étouffer leur nature et qui en souffrent, dans la case « dépressifs anxieux ».Les hypersensibles et les autres, c’est souvent l’histoire d’une incompréhension. « Il est fragile », « elle fait de la sensiblerie », tout cela est faux et la deuxième édition de la journée nationale de l’hypersensibilité, organisée ce lundi 13 janvier, est là pour remettre les pendules à l’heure. L’hypersensibilité touche quelque 11 millions de Français, autant les hommes que les femmes.La meilleure définition de ce trait de caractère mal accepté, voire caricaturé, c’est sans doute l’écrivain Gustave Flaubert, lui-même hypersensible, qui la donne : « Ce qui érafle les autres me déchire. » « C’est exactement ça », reconnaît Charlotte Wils, autrice d’« Itinéraire d’une ultrasensible » (2019, Editions Leduc). Cette hypersensible, désormais épanouie, vient en aide à ceux qui le sont moins dans son cabinet parisien de psychopraticienne.

« C’est une force, mais qui n’est pas valorisée »

Ils sont d’ailleurs nombreux, sur les réseaux sociaux, à témoigner des conséquences d’être à fleur de peau… et à ne pas être d’accord. « C’est carrément un pouvoir », dit un internaute sur Twitter. « C’est carrément un poison », estime un autre.« Les hypersensibles ont une autre vision du monde. Les sens comme l’ouïe, la vision, l’odorat sont exacerbés. C’est la raison pour laquelle ils sentent et expriment plus fort leurs émotions. Ce n’est certainement pas un handicap, c’est une force, mais qui n’est pas valorisée », déplore l’experte.

Conséquences ? Beaucoup d’entre eux adoptent des stratégies d’adaptation pour « faire comme les autres », comprenant que leur hypersensibilité n’a pas sa place à l’école, dans le cercle familial et amical ou encore, en entreprise. Ils ont pourtant de gros besoins affectifs pour se sentir en sécurité. « L’hypersensibilité existe depuis toujours, mais pendant des générations, il était malvenu de montrer ses émotions. C’est en train de changer. On accepte aujourd’hui davantage la différence », analyse Charlotte Wils.

Empathie, altruisme, sens aigu de la justice…

Sans dresser le profil type de l’hypersensible, certains attributs reviennent souvent pour les caractériser. Doués d’une grande empathie, d’un sens aigu de la justice ainsi que de la volonté de se rendre utile, ils fuient les conflits et sont mal à l’aise dans un environnement bruyant, sans intimité possible. Au travail, l’open space est donc, pour eux, un cauchemar. Et ce n’est pas un hasard si beaucoup d’hypersensibles se réalisent dans l’auto-entreprenariat, le droit aussi.

« Dans mes consultations, j’ai eu un certain nombre d’avocats d’affaires qui ont bifurqué vers l’humanitaire. C’est important de tenir compte de son hypersensibilité dans le choix professionnel », conseille-t-elle. Il est également un secteur qui accueille, mieux que les autres, ces personnalités : le milieu artistique, où les émotions sont les bienvenues, ou constituent même le matériau de base. Là encore, ce n’est pas une coïncidence si Charlotte Wils fut, dans le passé, comédienne.

Hypersensible dès l’enfance

Très sensibles à la lumière, notamment à celle des néons, les hypersensibles peuvent également être gênés par certaines matières de vêtements. « C’est une des caractéristiques qui permet de le repérer chez les tout-petits », précise la psychopraticienne. Ce sont aussi des enfants très responsables, qui éviteront le danger. Le Grand 8? Très peu pour eux. « Ils préféreront les jeux plus peinards. C’est moins drôle pour les autres », reconnaît Charlotte Wils. Torturer des animaux pour s’amuser? Impossible. Ils sont sensibles à la souffrance de l’autre. « Il n’est pas rare de voir ainsi ces enfants devenir végétariens », ajoute-t-elle.

L’adolescent, lui, évitera les grosses soirées pour se tourner plutôt vers les petits groupes ou le tête à tête. Il raffole des conversations avec les adultes, jugeant parfois celles de ses congénères trop superficielles. Pas toujours facile de se faire des amis dans ces conditions. D’autant que s’il a quelque chose à vous dire, il le fera parfois sans ménagement. Pas facile pour les autres non plus donc.« Les hypersensibles sont souvent plus directs, mais ça, ça peut se travailler », rassure Charlotte Wils. Elle poursuit. « Avoir les sens exacerbés, c’est extrêmement fatigant. Pour se ressourcer, les hypersensibles ont besoin d’un temps seul dans leur bulle. L’entourage doit l’accepter, comme il doit accepter des crises de larmes qui pourraient survenir et sembler incongrues. Parfois, cette simple phrase, je comprends, c’est difficile, va les aider à se redresser. Mais surtout, ils doivent s’accepter, eux. »

Source: Le Parisien – Par Christine Mateus