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Procastination : comment arrêter de tout remettre à plus tard ?

Procastination : comment arrêter de tout remettre à plus tard ?

 

Remettre à demain ce que l’on pourrait faire tout de suite… Quand il s’agit de procrastiner, tous les degrés sont possibles : d’un blocage passager pour telle corvée que l’on repousse ponctuellement, jusqu’à la tendance durable à tout remettre à plus tard avec des conséquences matérielles très sensibles. Mais comment comprendre la procrastination et surtout éviter d’y céder ?

 

Ne pas faire les choses tout de suite, quand elles sont pénibles, peut sembler assez compréhensible. Mais tout le monde n’adopte pourtant pas cette stratégie, on peut même dire qu’environ la moitié des personnes préfèrent se débarrasser tout de suite des corvées pour avoir l’esprit tranquille et se consacrer ensuite aux choses plus agréables. Les autres optent par la solution inverse : commencer par les choses plaisantes pour terminer par les plus embêtantes. Si vous êtes dans ce cas et si la procrastination est devenue un réel problème pour vous, allons-y !

 

L’anxiété de l’incertitude

Un des principaux facteurs qui pousse à la procrastination est l’anxiété. Comme pour les phobies ou les troubles anxieux, le fait de différer une action est un équivalent de comportement d’évitement, qui annule (transitoirement) le stress qui lui est associé. Selon le contexte, cette anxiété peut être liée à l’incertitude, au manque d’assurance dans ses propres capacités, ou à toute autre crainte générée par l’action à réaliser ou à ses conséquences potentielles. Il peut notamment s’agir d’une anxiété sociale, par exemple pour des rendez-vous que l’on repousse ou pour des objectifs qui comportent une dimension collective importante.

 

L’incertitude et l’insuffisance de maîtrise de la situation sont des éléments déterminants. Ne pas bien cerner à l’avance l’ensemble du problème à affronter, ne pas savoir combien de temps il va falloir y consacrer et surtout ne pas avoir une expérience antérieure de la même tâche et donc de sa réalisation constituent des obstacles majeurs au déclenchement de l’action, surtout quand on manque de confiance en soi. Ainsi, chaque fois qu’on aura le choix entre une action incertaine où l’on risque de s’enliser et une action que l’on maîtrise, on choisira la seconde évidemment.

 

Vouloir trop bien faire

Au-delà du manque de maîtrise d’une situation, un problème de fond explique souvent les habitudes de procrastination : une faible estime de soi et son corollaire, le perfectionnisme. Vouloir en permanence faire les choses de manière parfaite, pour se prouver sa propre valeur dont on doute en réalité, crée rapidement un cercle vicieux : placer la barre trop haut conduit fatalement à ne pas l’atteindre, ce qui finit par altérer encore plus l’image que l’on a de soi-même (« Je n’arrive jamais à rien », « C’est bien la preuve que je ne vaux rien »…). Cette course à la perfection empêche d’agir, et elle peut même directement fabriquer de la procrastination : plutôt que de se confronter à un possible échec, on préfère, même sans vraiment s’en rendre compte, ne pas essayer du tout.

 

L’estimation du temps

La question du temps est centrale dans la procrastination, puisqu’on est toujours en retard. Les personnes concernées ont souvent un problème avec l’estimation du temps que peut prendre telle ou telle action, avec une franche tendance à en sous-estimer la durée nécessaire, et à surestimer le temps restant avant la dernière limite. Cela peut s’apparenter à un excès d’optimisme, ou parfois aussi à la politique de l’autruche : avec l’intuition du retard que l’on commence à prendre, on préfère ne pas y penser et ne pas se confronter à la réalité. Ainsi, on s’y prend trop tard et on se sent dépassé, non pas parce que la tâche était trop difficile mais parce qu’on n’y a pas consacré assez de temps.

 

Un autre type de piège explique également le renforcement de la procrastination : les fausses urgences.Plutôt que de se lancer dans une tâche importante et en retard, on en préfère une autre, moins importante mais plus abordable (moins complexe, plus agréable). Ceci avec un prétexte permettant de se déculpabiliser, du type : « Il faut vraiment que je le fasse maintenant, ça ne peut pas attendre. » Et, de fausses urgences en fausses urgences, les choses vraiment nécessaires sont repoussées aux calendes grecques.

Enfin, le dernier facteur de procrastination est, paradoxalement, une tendance à l’hyperactivité. Quand celle-ci est désordonnée, avec de réels problèmes d’attention comme chez certains enfants mais aussi chez beaucoup d’adultes, le risque est de ne pas pouvoir construire une action de manière continue du début à la fin. Une distractibilité excessive conduit à passer effectivement en permanence d’un sujet à l’autre, et ainsi ne réaliser aucune tâche complètement. Les personnes concernées sont ainsi perdues dans de nombreuses actions, commencées mais interrompues, et ne s’y retrouvent plus. Cette tendance à la dispersion et au manque de concentration est naturellement amplifiée par toutes les incitations à la distraction, venant surtout des divers écrans et autres supports numériques.

 

Attention aux bonnes résolutions

Tout comme il est vain de décider de commencer un régime d’une heure à l’autre (ça ne tient pas très longtemps en général…), la grande résolution « J’arrête complètement de procrastiner dès aujourd’hui » n’a pas de sens et est plutôt contre-productive. Sans préparation ni plan d’action, vous risquez d’échouer très vite, de vous décourager en culpabilisant et de ne plus pouvoir vous attaquer au problème avant longtemps… Il faut passer d’une logique illusoire du tout ou rien à une procédure raisonnée et ciblée.

La préparation du changement consiste à bien analyser ses propres comportements, à être sûr de ses motivations (pourquoi dois-je changer et qu’est-ce que j’en attends ?), et à se fixer des objectifs en s’appuyant sur une méthode assez précise. Vous avez probablement des tâches en retard dans différents domaines : travail, études, rangement des vêtements ou des livres, classement des papiers, règlement des factures, bricolage, etc. Établissez des priorités en fonction des deux paramètres suivants : le degré d’urgence et d’utilité de la tâche à réaliser d’une part, et le niveau de difficulté et de pénibilité d’autre part.

Le paramètre à privilégier est le degré d’utilité et d’urgence, car avancer sur ces sujets peut vous faciliter la vie assez rapidement, et surtout renforcera votre motivation et votre confiance en vous si vous réussissez. Choisissez donc les actions que vous repoussez depuis longtemps, même si vous n’avez pas de délais obligatoires fixés par des conditions extérieures (ce sont souvent ces tâches qu’on repousse à l’infini), et qui comptent vraiment pour vous ou pour vos proches.

S’il y en a plusieurs, appliquez le second critère pour les classer : d’abord ceux qui devraient vous demander le moins d’efforts et de temps, puis les autres.

 

Dix petits problèmes valent mieux qu’un seul très gros

Une autre règle essentielle dans la lutte contre la procrastination est la segmentation des problèmes. Impossible de terminer une tâche de grande ampleur et de grande complexité en une seule fois et sur un temps court. Il est essentiel de décomposer les actions les plus lourdes en sous-actions plus abordables, prenant moins de temps et soulevant moins de difficultés quand elles sont traitées l’une après l’autre. Par exemple, si votre objectif principal est de ranger votre chambre ou votre cave, il est facile de segmenter cette tâche en sous-parties : d’abord ranger un meuble, puis un autre, puis certains tiroirs, etc.

Ceci vous permettra de ne pas vous poser trop de questions quand vous serez dans l’action, puisque la tâche est bien définie. Et surtout d’obtenir une réelle satisfaction à chaque fois qu’un sous-objectif sera rempli, plutôt que d’attendre la résolution de la totalité du problème pour vous sentir valorisé.

Il est essentiel d’introduire des récompenses lorsque vous atteignez des objectifs, des choses que vous ne vous autoriserez à faire que lorsque vous aurez rempli le contrat prévu. Cette autogratification peut sembler un peu rudimentaire ou triviale, mais elle fonctionne vraiment pour entretenir la motivation.

 

Un bon chronomètre

Si vous sentez votre détermination fragile, en tout cas au départ, je vous conseille la méthode des rounds. Tout comme vous aurez découpé la tâche à réaliser en plusieurs tranches d’objectifs, il est utile de découper le temps en périodes assez brèves, comme les rounds d’un match de boxe. Ces périodes, qui peuvent être de dix minutes par exemple, sont un bon garde-fou contre les risques de distraction.

La règle à vous fixer, et à respecter de la manière la plus stricte possible, est de ne rien faire d’autre que la tâche prévue pendant les dix minutes de chaque séquence. Vous pouvez vous accorder un répit à la fin de chaque round en faisant autre chose ou rien du tout (repos), ou choisir d’enchaîner tout de suite pour une nouvelle période de dix minutes si vous vous sentez en bonnes dispositions. Mais la même discipline s’impose pour toutes les séquences à venir : ne rien faire d’autre que la tâche et vous appuyer sur une mesure du temps objective, à l’aide du chronomètre de votre smartphone par exemple.

Les récompenses que vous vous accordez ne doivent pas risquer de vous faire dériver trop longtemps de votre mission principale… Donc pas d’activité addictogène, comme un jeu dont vous avez du mal à décrocher ! De même, il faut veiller à ne pas vous laisser distraire pendant la tâche par toutes les tentations habituelles, venant notamment de votre téléphone ou de votre ordinateur. Veillez ainsi à éteindre les appareils pendant les phases de travail important, ou au moins de désactiver toutes les notifications. Gardez en tête que votre concentration va être difficile à maintenir si la tâche à réaliser n’est pas très plaisante ou demande un effort de réflexion ou d’attention conséquent, donc protégez-vous bien contre toutes les tentations.

 

Gestion des objectifs et gestion du temps

Du début à la fin, vous risquez d’être freiné voire paralysé par votre exigence de perfection ou au moins votre désir de bien faire. Nous avons vu que cette tendance, louable sur le principe, peut être un véritable poison de l’action. Il faut donc vous préparer à la débusquer derrière toute critique envers vous-même, ou derrière toute tentative de renoncement à agir ou à continuer un travail. Vous ne parviendrez pas à tout faire parfaitement, c’est acquis, mais tout ce qui sera fait sera un pas vers votre satisfaction. Soyez intransigeant avec votre perfectionnisme !

Deux derniers conseils :

1. Essayez de repérer les périodes de la journée dans lesquelles vous êtes habituellement le plus productif. Nous avons tous des profils un peu différents : certains travaillent efficacement tôt le matin, d’autres le soir ou à certaines heures de la journée. Essayez de tenir compte de ces particularités pour planifier vos activités demandant le plus d’énergie.

2. Passez parfois en mode « urgence » quand les choses ne fonctionnent pas assez bien. Vous avez probablement déjà constaté que votre productivité est nettement augmentée quand vous devez absolument rendre un travail avant une date incontournable, ou quand une échéance s’impose à vous pour des raisons pratiques (départ en vacances, déménagement, visite d’un ami, etc.). Ce sont des moments où toute notre énergie et surtout notre motivation sont concentrées sur un seul objectif, avec une notion d’urgence obligeant à une certaine rapidité.

C’est d’ailleurs pour cela que certains finissent, de manière plus ou moins volontaire et consciente, par prendre l’habitude de travailler à la dernière minute pour gagner en efficacité. Mais il est possible de reproduire cette pression par des obligations que l’on s’impose à soi-même : s’obliger à terminer telle tâche absolument avant telle date en considérant qu’elle prime avant tout le reste. Ceci passe par un échéancier plus serré que ce que vous auriez tendance à vous accorder spontanément.

Cette stratégie peut apporter beaucoup, mais il est préférable de ne pas en abuser, car elle peut engendrer un niveau de fatigue et de stress excessif. Essayez d’alterner des périodes d’organisation normale avec ces plages de rush intense.

 

L’essentiel contre la procrastination

– Priorisez vos objectifs et commencez par ceux qui comptent le plus tout en présentant le moins de difficultés.

– Segmentez les tâches en sous-actions plus faciles à réaliser.

– Fixez-vous des séquences de dix minutes pendant lesquelles vous ne devez rien faire d’autre que la tâche prévue.

– Organisez vos activités en fonction des capacités que vous vous connaissez, notamment des jours ou des horaires où vous êtes habituellement le plus productif.

– Passez en mode « urgence » quand les blocages résistent, en vous fixant vous-même un délai impératif à ne pas dépasser.

 

Source: psychologies.com